Retour vers la poésie


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Il est parfois bon de revenir un peu en arrière, juste le temps de voir si l’on n’a pas oublié quelque chose d’important à faire comme par exemple lire un livre. C’est ce qui m’arrive souvent, car j’achète plus de bouquins que je n’ai de temps nécessaire pour les découvrir !
Je note d’ailleurs qu’une certaine anarchie, voire concurrence, s’installent d’ailleurs entre ces êtres de papier : on veut « séduire » pour être lu en premier ! Exit les autres livres qui peuvent attendre longtemps leur jour de gloire… Sans compter que nous sommes tous à court de temps et que, tel le Monsieur Lapin de Lewis CARROLL, nous courrons à perdre haleine dans la vie en criant : « Je suis en retard, je suis en retard ! ». Pour moi c’est dans mes lectures !


Le Livre d’Albert Russo, paru fin 2004, sous le titre « TOUR DU MONDE DE LA POESIE GAY », fait partie de ces livres à ne pas rater, il est également intemporel, poésie oblige, raison supplémentaire pour ne pas avoir peur d’en parler aujourd’hui même trois ans après sa parution.


La poésie gay à travers le monde ! Vaste programme s’il en est pour ce titre ambitieux ! Ces textes couvrent en effet tous les continents, ils sont écrits par des personnes connues et inconnues, d’aujourd’hui comme d’hier. Les poèmes sont bien sûr traduits, mais malgré la traduction (exercice toujours très difficile en poésie) l’émotion reste intacte.


Le côté chant lyrique devant l’Aimé, son corps et tous ses attributs semble l’emporter sur tous les autres thèmes abordés : découverte de l’homosexualité, questionnement, incertitude, chant mélancolique, malaise d’être, envie d’homoparentalité, première découverte etc. Je remarque cependant au passage que les poèmes « anciens », tels ceux de Verlaine ou de Whitman, n’ont pas été dépassés ni dans leur esprit de revendication d’une totale liberté ni dans leur écriture elle-même.


A souligner aussi le très intéressant poème de Ronsard, poète navré de constater les « dérives » de la cour avec les « amours masculines » du roi Henri III, et le chant de Maldoror de Lautréamont on l’on apprend que déjà à la fin du XIX°s. on pensait que les homosexuels étaient maudits de Dieu ou de la Nature « Il suffit que les maladies honteuses, et presque incurables, qui vous assiègent, portent avec elles votre immanquable châtiment. »


Mais pour en revenir au point de vue des gays eux-mêmes, la poésie est d’abord vécu comme un chant de bonheur, d’exaltation et d’exultation ! Le sentiment d’aimer est un souffle qui embrase l’objet du désir. La poésie célèbre et montre l’aimé comme le seul objet sur terre.


« c’est ton odeur
qui me rend fou
ce parfum de savane
et de poivre (...) » R.Liebaert

Je parlais dans un précédent article du BLASON DU CORPS MASCULIN, ici il est en quelque sorte revendiqué, porté comme un étendard, idéalisé certes mais totalement charnel, d’une matérialité lumineuse et heureuse, but de la vie elle-même ! C’est un cantique des cantiques gay ou dans la grande tradition de la poésie grecque et latine.


« Cuisses, âmes, mains, tout mon être pêle-mêle,
Mémoire, pieds, coeur, dos et l’oreille et le nez
Et la fressure, tout gueule une ritournelle,
Et trépigne un chahut dans leurs bras forcenés. » Verlaine

Il y a aussi des textes graves : sur de jeunes gays arrêtés et flagellés en Iran, sur l’impossibilité de parler et vivre sa vie et ses choix sexuels en Egypte et ailleurs, sur des pratiques de castration physique et mentale ! On ne saurait trop conseiller de méditer ces poèmes et d’écouter ces plaintes, ce ne sont point là de la rhétorique et de la poésie mais un sinistre vécu de la part de nos frères nés dans ces régions de mort sous la menace des milices morales. Ces chants doivent nous mobiliser pour leur Liberté et la nôtre.


D’autres textes me posent problème : celui sur un viol en prison aux Philippines, celui d’un « tueur » jamaïcain qui utilise des capotes détériorées pour « plomber » ses partenaires et celui sur un jeune garçon juif, très beau, victime d’un nazi pédéraste pendant la seconde guerre mondiale !


J’ai beau avoir une vision large de la poésie, je ne comprend pas pourquoi Albert Russo a fait entrer cette littérature dans ce recueil consacré à la poésie homosexuelle. N’est ce pas donner encore raison à ceux qui accusent les gays d’être des désaxés et des malades ?


On peut donc se poser la question de l’opportunité d’inscrire ces « poèmes » dans ce recueil. En quoi le viol, la transmission criminelle du virus du Sida, et la pédérastie seraient-ils des thèmes à classer dans le genre « gay » ? Les imagine-t-on dans un recueil de poésies « hétéros » ?
Pour moi, il est question ici de souffrance, de cruauté, de violence, de dérives humaines et c’est plutôt sous cette présentation ou étiquette que je les aurais classés. Ceci dit, le recueil vaut le coup d’être découvert.


Autre remarque, on peut regretter que les auteurs de cette planète gay soient présentés de façon minimaliste et un certain nombre de questions restent sans réponse : sont-ils connus ou non dans leur pays ? Ont-ils écrit des recueils de poésie ou d’autres livres ? Quel est leur profil ? Et comment le choix des textes s’est-il réalisé ? Autant de questions qui resteront sans réponse, du moins pour cette édition là ; on attend avec impatience un tour du monde bis !
Notes :
http://www.albertrusso.com/
« Tour du monde de la poésie gay », Albert Russo, éditions Hors Commerce, 2004, 11, 90 €.

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