Quelques "impressions" autour de l’Art Moderne et Contemporain


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En parcourant certains musées d’Art Moderne et Contemporain, il m’est souvent venu un curieux sentiment d’abandon. Non pas que les musées en question puissent être critiqués sur leur qualité propre, mais plutôt sur ce sentiment de «vieilleries», excusez moi du terme mais c’est bien le sentiment que j’ai ressenti, qui se dégageait des différents espaces consacrés à cet «Art dit Moderne et Contemporain», lors de certains accrochages et présentations, qui englobent pèle mêle des courants très divers et des objectifs non moins variés.


œuvre de M Raysse
Ce qui distingue l’Art c’est peut-être le fait qu’il arrive à passer les époques sans dommage et en s’enrichissant de tout ce que les hommes ont bien voulu voir dans une œuvre. Mais trop souvent avec «l’Art», de l’après seconde guerre mondiale, j’ai eu l’impression de constater a contrario une forme de jugement rude, définitif, blasphématoire, en peau de chagrin et des approches mille fois reprises par je ne sais combien d’artistes qui empruntaient les mêmes visions et les mêmes techniques que certains de leurs ainés ou contemporains : combien de Delaunay, de Mondrian, de Nicolas de Staël etc. etc. etc.

œuvre d'Arman

Un dénominateur commun reste toutefois le goût, pour cette période particulière qui émerge de la seconde guerre mondiale, de montrer un monde explosé, broyé, compilé, entassé, démembré, et sérié à l’infini! Cette vision terrible a laissé encore plus profondément, que celle née après la première guerre mondiale de 14-18, des traces morbides de cette folie humaine et des ruines fumantes de l’Europe. Les villes, les campagnes, les paysages, les hommes ont été détruits systématiquement et dans cette mémoire collective, qui a flotté sur cet inimaginable amas de décombres, il en est resté des images indélébiles que les artistes, consciemment ou non, ont retraduites à satiété.



œuvre de César
La prise de conscience d’un monde qui se standardise, qui se comprend en «masses», et qui se déshumanise au fil des productions, dans tout domaine d’ailleurs, va également envahir tout l’espace au point de le dénaturer ! C’est une explication essentielle à retenir de cette période ; les deux explications, guerre et société de l’ultra consommation, caractérisent bien cet art qui démasque le tragique ambiant jusque dans ses retranchements les plus fous.

œuvre de Jean Tinguely
Cet art, intimement lié à la part historique qui l’alimente et le fonde, ne s’en échappe cependant pas une seule seconde, il en reste prisonnier. Il me parait plus difficile aujourd’hui de s’approprier intellectuellement ces œuvres car elles passent mal les âges, le Pop Art mis à part qui donne une version plus ludique, plus rassurante, et bien moins dramatique en apparence du monde. Certes, Dadaïstes et Surréalistes avaient au moins eu l’avantage de garder une dose d’humour et de poésie quand ils ont émergé; mais ce recul s’effacera dans les courants des années cinquante et soixante. Je note toutefois que cette «poésie» est revenue semble-t-il dans une seconde partie de carrière chez certains artistes, comme pour Niki de Saint Phalle.


Dans cette perspective, peut-être serait-il bon de trouver un autre terme «qu’Art Moderne et Contemporain»! En effet, cette période va curieusement de Manet jusqu’au début des années 1950; et jusqu’à nos jours pour l'Art Contemporain. On englobe ainsi des courants aussi hétéroclites qu’étrangers les uns aux autres! Dans les livres d’Histoire de l’Art, je remarque combien il est difficile de montrer une vue d’ensemble et une approche chronologique de toutes ces sensibilités qui émergent, se croisent, s’ignorent, se chevauchent, s’additionnent ou se combattent, et tracent des chemins essentiels mais solitaires comme pour Picasso, Chagall, Bacon, Pollock, Freud, Combas et Richter par exemple.





















L’Art Moderne et Contemporain beaucoup de personnes le comprennent aussi comme l’avènement de l’abstraction : petit à petit les formes se sont déliées, se simplifient, se schématisent et deviennent franchement abstraites! Cela rappelle une démarche similaire, celle des objets sacrés africains, où les sculpteurs n’ont gardé en fait que l’esprit de ce qu’ils sculptaient, abandonnant le ressemblant au profit de l’essence même des êtres ou de ce qui était supposé l’être.

Cependant dans ce XX°s bouillonnant de contradictions et de destructions, c’était encore trop que de garder l’essence des choses, il fallait tout dissoudre pour ne garder que des formes, des embryons, des taches, des couleurs, des directions, des univers à découvrir, voire des multivers comme disent les scientifiques branchés d’aujourd’hui. Kandinski en peinture, Miro aussi, et Calder dans ses mobiles notamment, illustrent bien ce manège de vie et de formes sans but, autre que les rêves qu’ils sous tendent. 


L’abstraction et la mise en image de certains concepts ont été les grandes lignes de force de ces courants provocateurs et révolutionnaires. L’école de Nice, qui a utilisé majoritairement des objets de tous les jours en les réutilisant différemment, a produit un nombre d’œuvres avant-gardistes très conceptuelles et nourries par la même ambition de dénoncer, et de détruire : mais ce que j'appellerai les «compilations assassines» se sont multipliées jusqu’à l’overdose. Chacun hurlant à sa façon à travers son œuvre : «le roi est nu», entendez «l’Art n’existe pas».

Une sorte de déconfiture de l’Art, qui s’amusait à devenir «Art» en touchant et signant n’importe quoi, est caractéristique de cette époque où le contenu et le sens semblaient se mêler aux cendres chaudes du XX°s.

Les amonceleurs, les destructeurs, les brûleurs, les décomposeurs, les barbouilleurs, les dénonciateurs ont fait florès dans les galeries et les musées d’après-guerre. Tout comme ceux qui ont montré des détails qui devenaient le symbole d’un autre grand tout : la vie, le monde, le destin…

Synecdoque, métonymie et duplication ont été les moteurs, avec les procédés de la caricature, de ces recherches artistiques qui ont voulu caractériser notre univers si malade de nous-mêmes. L’Art est devenu amer car il nous montrait, dans cet élan de déconstruction tous azimuts, que le plus terrible c’était nous, toujours nous, et toujours le risque de voir ce monde absurde resurgir de ce miroir d’œuvres blessantes que l’on nous montrait encore et encore. La mort était son horizon et son constat l’unique objectif.

Il m’apparait qu’il y a aujourd’hui une autre aspiration et que le public a du mal à suivre à nouveau ceux qui veulent continuer d’emprunter ces mêmes chemins trop de fois « déjà vus ». Une aspiration profonde à la sérénité, aux formes douces, au rapprochement avec la Nature, au message plus authentique et humain, laissant une part d’espoir et de possibles sans renier aucun combat, et par conséquent moins conceptuelle, semble émerger un peu partout, y compris sur des décombres et non plus sur des idées de décombres…Le Street Art en est la manifestation intuitive la plus intéressante et celle qui aujourd’hui porte une «vie» artistique intense!

JL Garac.
 
œuvre d'Arman

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